Recueil d'une allumée au feu de bois

J’ai tué ma mère

         Une fois, entre deux coups, il me fallait écrire une histoire originale pour la professeure de
français, que j’aimais tant. Alors, j’ai écrit une histoire sans queue ni tête
où l’on ne parvenait à saisir qu’une chose : que je tuais ma mère. Je
finissais comme cela, sur une telle chute, et la professeure est tombée de
haut. Non seulement, elle ne comprit pas ma plume, mais ma mère fut convoquée
dans sa classe. Et c’est de là qu’ont commencé mes ennuis…

         Vous connaissez le commencement. A moi d’en écrire la suite. Tout à démarrer une
après-midi d’hiver glaciale où février jouait la concurrence avec le mois
précédent, alors que celui-ci s’était montré d’une dureté à défier toute mise à
l’épreuve. C’est lors de cette après-midi sans soleil qu’une femme a entrouvert
ses jambes pour y mettre au monde une babynette criarde. J’ai absolument tout
oublié. De ce moment où je suis née au premier souvenir de mes 8 ans, j’ai été
toute ankylosée de cette période.

          J’ai quelques photos de mon premier arbre en soie. Un très grand en forme de sapin, où les épines, au lieu de piquer,caressent tendrement la peau de celui qui les touche. J’en avais formé pour
dessein de le porter à mes côtés le jour de mes noces (d’or ou d’argent). Autrementdit, pas tout de suite. Pendant que ce temps eut la bonne idée de venir, je l’ai bien entendu égaré. « Hé ! Gare Hais ! »

         Do. La Si. Ré Mi. Do Sol Si Fa !

         Il pleut. Brume. Neige. Grisaille. Je sais plus quel temps fait-il. Demain, je recommence la fac. Alors je lis. Avidement. Pour essayer de combler mes lacunes depuis si longtemps accumulées. Je lie mes différentes lectures les unes aux autres : pour qu'elles se suivent. Pour qu'elles forment un tout. Un tout inaudible. Un tout indélébile. Un tout où tout n'est qu'arrogance parmi les gens en transe.