Recueil d'une allumée au feu de bois

Recueil d'une allumée au feu de bois

Les pieds dans les vents d'anges

Bonjour à tous!

Cette catégorie concerne le livre que j'ai publié en août 2012. Ayant peu d'exemplaires à faire parvenir à tous, l'idée d'y publier ici les textes de mon livre me semblait intéressante. Pas de copies autorisées bien entendu!

Quatrième de couverture:

   Noëmie Hénaff est une jeune auteur de dix-neuf ans ayant démarré des études de cinéma à Montpellier. Elle débute maintenant une formation en histoire à Nîmes. Prenant l'initiative d'écrire des petits poèmes et des textes depuis l'âge de huit ans, Les pieds dans les vents d'anges est son premier recueil.

En partenariat avec le CHRU de Montpellier, son Atelier Livre dirigé par Cloé Paty, issu de l'Espace Culturel du CHRU de Montpellier (Louise Aubert et Katia Benabet), correction par Sophie Duvaux.

Achevé d'imprimer en août 2012


Photographie argentique d'Hugo Desain


27/01/2013
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Asphodèles

 

On me suit, on me berce, on m’entend, on me siffle, on me chante, on me brûle, on m’embrasse, on m’assassine, on m’ennuie, on m’appelle: jamais par mon prénom. Le vrai. Celui d’avant fuite, d’avant départ, d’avant bagage, d’avant ET pars, « hé, pars ! », des « hé, pars ! ». Fourberies molles du destin qui s’accumulent et contre lesquelles je ne peux sûrement rien. Bon Dieu ! Comprendre ce monde. La société faite de babouins au départ (toujours d’ailleurs). Amoureuse, tears, sels, carotte, joie, poisson eau et vase, la vase de mer, celle qui boue sans bouder, boudin marron bon pour la peau. Visage dur : dur comme un pain rassis que l’on ne pourra plus jamais déguster. Douleur des yeux. Fatigue, incompréhension, appréhension de la boule au ventre. Une voix dans le ventre, dans le nez, et les yeux, elle veut sortir sur le papier, c’est pourquoi cette douleur, ça explique cette tendresse honteuse, ce grattement qui ronge et attriste doucement, sans raison aucune, surtout scientifique, plutôt littéraire… AÏE !


27/01/2013
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Aliénor

La petite prit l’habitude de monter en cachette un trésor, la lune venue. Elle se faufilait dans la cuisine, faisait ses préparations aussi discrètement que la petite souris quand elle venait autrefois faire du troc avec ses dents, et disparaissait dans l’escalier, à l’affût de l’autorité parentale. Que ces moments-là étaient doux ! Elle pouvait savourer tranquillement sa désobéissance, plaisir rare étant donné que la nourriture était un des pêchés tabous de la maison, et encore plus à l’étage. Eh oui ! Son si précieux trésor se réduisait à une tasse de lait accompagnée de chocolat lyophilisé et surtout d’un empire de chantilly parfumée. Elle se mettait à son bureau, comme devant quelque tâche à effectuer avec minutie. Elle avait fini par installer un miroir sur le mur, en face de son lieu de travail, comme pour ne rien manquer de la scène.

Bien droite, les jambes croisées sur sa chaise pour acquérir une posture spirituelle, elle saisissait dangereusement son obole. La cuillère se battait déjà en général dedans, depuis le saupoudrage de cacao qu’elle faisait tournoyer amoureusement. Comme une cerise sur le gâteau, elle recouvrait coquettement l’eau de vache par son immeuble de mousse crémeuse qu’elle s’obstinait à vouloir faire grimper plus haut que la tasse elle-même. Et elle finissait en plantant une paille dans sa mixture enchanteresse. Elle commençait toujours par aspirer la mousse blanchâtre du dessus, impression étrange de jouer le rôle d’un aspirateur. Il ne fallait laisser flotter qu’une fine couche de nuages à la surface et l’engloutir à l’aide du tube en plastique. Et elle prenait soin de respecter à la lettre chaque mouvement codifié avec son amour enfantin.


27/01/2013
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Ribambelles

 

 

Le petit garçon partait : il allait se promener dangereusement. Mais cette route qu’il parcourait était toujours moins dangereuse que la maison. Les dangers sortaient de tous coins. Quand il était cloîtré, là-bas, Papa et Maman ressentaient apparemment le besoin de faire revivre l’horreur des peurs extérieures mais dans leur huis clos, comme s’ils rejouaient la pièce du monde violent. Les premières fois étaient des cadences en écho à la musique qui battait son plein dans les pièces habitées. Le petit courait : cours, cours ! Cela ne servait à rien. La première fois qu’il était partit, il s’était glissé dans le vide de la fenêtre de sa chambre : joie du premier étage. Il n’avait pas connu bien loin : juste assez pour pouvoir s’éloigner de l’animalité parentale.


27/01/2013
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Tout le monde a un fou dans sa manche

« Chacun a un brin de folie dissimulé souvent dans sa jeunesse, ou bien dans l'avenir, parfois dans le présent...

 

'' Sibylle,
74 ans, est allongée dans son lit d'hôpital. Tout lui paraît
faux : les murs, les gens, ce qui lui arrive. Même cette phrase
« Sibylle, 74 ans, est allongée dans son lit d'hôpital »
est  fausse : elle fêtera son prochain anniversaire en octobre
et sait d'avance qu'elle ne le verra pas. Elle n'est pas tout à fait
allongée, mais mi-assise, dans un lit qu'elle espère n'être jamais
le sien.  Et elle n'est même pas dans un hôpital : c'est une
clinique privée, spécialisée dans l'oncologiec contre le cens ».
Elle ne mange plus, le monstre au corps l'en empêche ; elle
n'entend pas elle n'a jamais entendu ; elle ne voit presque
plus : elle délimite des contours de visages qu'elle ne
reconnaît pas. Elle sourit en imaginant que ce sont des personnes
qu'elle aime. Elle pense. Elle ne peut faire que cela maintenant :
penser et repenser à sa vie qui est aujourd'hui toute passée. Elle
fixe le mur et se plonge dans ses souvenirs...

 

Sibylle, 17
ans, est allongée sur une botte de foin, dans un champ voisin d'une
amie. Sa copine et elle rêvent à leur soirée, et plus généralement
à leur vie. Elles ont les bras croisés derrière la tête et
regardent le ciel. C'est ici que l'on se rend vraiment compte de
l'arrondi de notre planète bleue. L'idée les réjouit et arrondit
un peu plus leurs espoirs. L'heure est maintenant arrivée de partir.
Elles ont deux heures libres pour se pomponner à la perfection.

Mais voilà
qu'en se levant, elles sont recouvertes de paille qui les pique
jusque sous le genou ! Bien décidées à se débarrasser de cet
inopportun pour faire les folles sur la piste de danse, elles se
triturent les cheveux comme pour enlever des poux. L'entreprise
visant à éjecter tout le foin étant vouée à l'échec, elles se
font une raison, s'enhardissent et se roulent de bon cœur dans le
champ. Au diable les fêtes et bonjour les joies folles en bonne
compagnie !

C'est ainsi
qu'elles passèrent toute la fin de journée jusqu'à l'infime rayon
de soleil à parcourir la campagne environnante, nus pieds, prenant
le risque d'une mauvaise rencontre avec quelque agriculteur défendant
fièrement son bien. Quand elles ne purent plus distinguer un serpent
d'un morceau de bois, elles rentrèrent par les routes en chantant à
tue-tête quelques chansons paillardes et d'autres chansons plus
enfantines, réveillant les bonnes maisonnées et leurs habitants...

 

C'est sur
ce souvenir que Sibylle, 73 ans, mourut à moitié assise dans un lit
qui fut finalement le sien dans une clinique privée, spécialisée
en oncologie... ''

 

''Anthelme
est au chômage. Cela ne veut pas dire qu'il ne sait rien faire, non.
Il est juste passionné par ce qu'il ne faut pas à son époque,
c'est-à-dire par ce qui est considéré d'inexploitable. La
science-fiction, quand Anthelme a 45 ans, ne rapporte pas. Et
pourtant il en connaît un rayon : c'est pourquoi il a essayé
de faire carrière dans la vente de bicyclettes. Il pouvait
conseiller et réparer l'objet tout en enseignant son art hors du
commun aux clients qui pourraient l'expatrier. Cela fonctionnait de
temps en temps : un jour, il a réussit à convaincre un homme
de faire un scénario de film d'une de ses histoires ! Il est
même sorti en courant de sa boutique tant l'idée l'excitait !
En prenant du recul, Anthelme se dit que l'homme avait accepté tout
ce qu'il désirait juste pour se libérer de ses griffes assaillantes
et sortir plus vite. Oui, c'est sans doute ça, puisqu'il n'a jamais
eu de nouvelles.

Il
est vrai qu'en premier lieu, son idée de vendre des vélos et de
parler de science-fiction en même temps s'avéra ce que l'on appelle
une bonne idée. Hélas ! Les clients, très vite, furent moins
nombreux, préférant acheter un moyen de locomotion plus rapide.
Anthelme ferma boutique et se retrouva au début de notre histoire.

Anthelme
est au chômage. Il n'a bientôt plus de logement et il est
désespéré. Alors il erre dans la ville à la recherche d'une
solution. D'autres diraient qu'il flâne. Peu importe. Il est fichu
et se voit déjà en train de mourir au coin d'une rue...

 

Anthelme
sera acclamé. En passant devant une devanture de télévisions qui
diffuseront des films récents, il s'assiéra sur la boîte en carton
qu'il promènera tout le temps avec lui, pour regarder le programme
que proposera le magasin, privilège qu'il n'aura pas goûté depuis
longtemps. Quelques minutes de visionnage de ce « Dune »
suffiront pour Anthelme : ce sera la réplique exacte de son
histoire, racontée à ce bonhomme partit si vite de sa boutique !
Fâché mais heureux de son propre succès, il se décidera
d'attaquer le voleur en justice, réclamant les droits d'auteur.
Anthelme gagnera ce procès, fier, comme se doit de l'être le
lanceur de la science-fiction. Il sera riche. Si riche qu'il
s'autorisera son rêve le plus fou : tourner une publicité de
science-fiction mais avec de mauvais effets spéciaux.

C'est
un lundi matin qu'Anthelme rentrera dans un costume en Vicra vert
moitié crocodile, moitié lapin, et jouera dans un monde utopique
pour vanter les bienfaits de l'imagination. Publicité qui passera
entre autres dans la boutique de télévisions où il découvrit son
succès. Anthelme passera toute l'après-midi à déambuler
joyeusement dans la même ville où il mendiait, à sauter dans son
costume en plastique vert...''

 

''Anna
est une jolie blonde. Normal avec ses origines russes :
pourtant, elle n'est jamais allée dans ce beau pays qui est si
proche d'elle.

Anna
lit, tout le temps : les panneaux publicitaires, les journaux,
les paquets de céréales, les commentaires au dos des photos, le nom
sur les pierres tombales, son courrier, ses livres, d'autres livres.

Anna
aime être chic : elle n'aime pas impressionner ses amis mais
elle apprécie qu'on la regarde, ne serait-ce que du coin de l’œil,
et qu'on lui fasse des compliments dans le creux de l'oreille.

Anna
écrit à ses amis : elle leur raconte des bêtises, sa vie
parfois. De temps en temps, elle reçoit des réponses.

Anna
aime la vie : elle est courte et belle.

 

Aujourd'hui,
Anna ne sait pas quoi faire. Elle divague, tombe dans les rues, se
redresse dans les boutiques.

Aujourd'hui,
Anna sait exactement ce qu'elle veut faire : elle en rêve
depuis longtemps et cette nuit, elle y a pensé. Alors c'est décidé,
c'est pour aujourd'hui.

Le
ciel est gris mais il illumine, éblouit tout ce qui se trouve
dessous lui. Anna marche en croisant les jambes, comme ayant
ingurgité quelque substance hallucinogène. Ou bien prise par un
élan de mannequin.

Anna
se met en spectacle aujourd'hui, parce qu'elle sait qu'elle aura
besoin de se dédoubler. Elle marche donc, dans une brume électrique
tout à fait imaginaire. Elle croise un garçon, un cadet. Elle le
couve avec un regard maternel d'un œil, un regard d'amant de
l'autre. Elle se sent le devoir de le protéger et de l'entourer.
Cette image n'a pas de couleur, juste des sons. Des soupirs de
soulagement. Des brides de conversation aux alentours. Anna enlace
son cadet. Ils se retrouvent tous les deux dans le noir, réunis,
sous leurs paupières closes. Anna peut enfin avouer sa folie d'aimer
ce cadet. Le cadet ne la remerciera jamais assez d'avoir enfin brisé
ce rang qui fait de lui un cadet, et elle un aînée.'' »

 


27/01/2013
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